Page 48 - Bulletin 161
P. 48
Qui était et d’où venait Pierre MIVILLE dit «Le Suisse» ?
la même qu'en 1301 à Longchaumois. Et que ce soit était infiniment plus dense qu'aujourd'hui, et surtout
sur Google ou sur un site dédié (35), le nombre de que cela n'a pas toujours été un lieu de quarantaine
lieux relatifs à ce nom reste très limité. isolé. Dès lors, la signification récurrente de bourg
central demeure.
v Lieux génériques
Ce sens de 1301 se retrouve ainsi dans deux simples Les autres sources potentielles du contresens
noms de rue. Par exemple, Travers NE est un minus-
cule village de 1224 habitants entre Yverdon et v Remaufens
Neuchâtel (Fig. 5), et on y trouve encore aujourd'hui Remaufens FR est aujourd'hui un quartier complète-
une "rue Miéville" d'à peine 300 m de long, et elle tra- ment isolé de la commune de Châtel St-Denis, dans la
verse justement le encore plus minuscule bourg histo- haute vallée de la Broye (Fig. 5). Au 13 siècle, l'an-
e
rique. cien nom de la paroisse était Fruence, et c'était une
"villa nova" au pied du château St-Denis des seigneurs
De même à Corcelles près Payerne VD, la "route de de Fruence, vassaux de la Savoie. Mais en 1297, cette
Mivelaz" est une rue d'à peine 160 m de long derrière famille ruinée l'avait vendue au comte Amédée V de
l'église, et entre deux rues qui s'appellent "rue vers Savoie, et cette seigneurie de Fruence est restée
l'Église" et "route du Grand Chemin". Et donc
Mivelaz était bien le nom donné au centre du bourg. savoyarde jusqu'au bout.
v Toponymes Or dans la quête éperdue des ancêtres de Pierre
Dans le massif d'Abondance, Bonnevaux (Haute- MIVILLE, le nom de cet obscur quartier est sans
Savoie) est un encore plus petit village de 265 habi- doute plus connu au Québec qu'en Suisse… En effet,
tants, et avec 5 abonnés au téléphone, FAVRE- on recopie partout sans jamais vérifier que
MIVILLE en est un patronyme dominant. Or Miville "Marguerite, veuve de Jeannet de Craz et remariée à
est justement le nom du quartier du village où ils habi- Jeannet de Miéville, de Remaufens, doit en 1384 à la
tent tous. Mais comme souvent en pareil cas, lequel Confrérie du St-Esprit, de Châtel-St-Denis, 20 sols et
des deux a engendré l'autre, le patronyme ou le topo- un quarteron de froment".
nyme ?
Malheureusement, on y lit deux patronymes nobles, et
Enfin, l'unique toponyme Miéville de Suisse se situe il s'agit donc là d'un double anachronisme de lecture.
sur le Rhône dans le Valais, près de la ville de En effet, les patronymes n'existaient pas encore en
Martigny (Fig. 5), et très exactement sur la commune 1384 (9), et ce sont forcément là deux surnoms basés
de Vernayaz VS. Et d'après le site web de la commu- sur un lieu d'origine. Pour le premier Jeannet, il y a
ne, le lieu s'appelait bien autrefois media villa. Avant effectivement un lieu-dit le Crêt à Remaufens même,
d'y trouver plus tard une léproserie de l'abbaye voisi- mais aussi de nombreux autres alentours. Quant au
ne de St-Maurice, on y mentionne déjà au 13 siècle deuxième, il était juste "du bourg", c’est-à-dire de l'ac-
e
une maladrerie, "proche de la porte Nord" du village. tuel quartier de Fruence, et il avait épousée une veuve
Aujourd'hui, ce lieu reste effectivement éloigné de
tout (Fig. 8), et c'est peut-être cela qui avait inspiré la de Remaufens. Et de surcroît, l'épouse d'un noble à
traduction de Aebischer. particule n'aurait jamais dû 20 sols au couvent du
coin !…
Comme déjà indiqué, et même si le comte Amédée VI
de Savoie guerroyait non loin de là à Sion avant d'y
nommer évêque un ancien abbé de St-Claude en 1393,
un surnom de 1384 ne pouvait pas avoir été importé
Figure 8 : Vue aérienne de miéville (Vs) en 2020
d'ailleurs.
Or on y a aussi retrouvé récemment un fragment de
rempart bien plus ancien, et c'est peut-être lui la cita- v Châtonnaye
tion inconnue de 1302. Par contre, la présence d'un Châtonnaye FR est limitrophe à la fois du Lentigny
rempart près du Rhône signifie d'abord que l'habitat de Aebischer et des paroisses centrales à MIÉVILE
48GÉNÉALOGIE Franc-Comtoise n°161