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Qui était et d’où venait Pierre MIVILLE dit «Le Suisse» ?




             dans la vallée de la Broye (Fig. 5). Or on y trouve  À  Fribourg  en  revanche,  il  y  a  eu  trois  souches
             une citation explicite de 1555, et dans un contexte  MIÉVILLE  indépendantes,  mais  dont  deux  se  sont
             de  noblesse  qui  a  pu  également  contribuer  au  immédiatement éteintes par dilution. Ainsi en 1320, la
             contresens.                                        citation de Lentigny est restée sans suite, et en 1384 à
                                                                Remaufens, l'époux d'une veuve n'a apparemment pas
             En  franco-provençal,  damoiseau  se  dit  donzel  (du  eu assez d'enfants pour qu'un surnom héréditaire se
             latin  dominicellus,  jeune  seigneur),  tout  comme  retrouve une deuxième fois dans les comptes du cou-
             Junker  vient  de  junc  Herr  en  allemand. Toutefois  à  vent.
             partir du 14 siècle, et comme les fausses particules
                        e
             en France, ce titre nobiliaire est également porté par  Enfin comme déjà indiqué, les surnoms se transpor-
             les riches bourgeois des villes qui avaient acheté des  taient dans le temps mais pas dans l'espace, et donc
             seigneuries (29).                                  les ancêtres agnatiques du riche bourgeois de Payerne
                                                                habitaient  "au  bourg"  près  de  l'église  de  Corcelles
             Dans les archives sur les sieurs de Faucigny (36), on  près Payerne, c'est à dire au bout de la rue appelée
             trouve par ailleurs un certain nombre d'actes notariés  route de Mivelaz.
             concernant un certain Hansmann de Faucigny (Jean),
             l'un des fils de † Petermann (Pierre V). Lui-même est  Par ailleurs, les riches notaires ne faisaient pas plus
             donzel  et  bourgeois  de  Payerne  VD,  paroisse  à  d'enfants que les autres, mais sauf épidémies généra-
             MIÉVILLE  après  1650,  et  sa  tante  est  co-dame  de  les, leur taux de survie était bien supérieur. Par exem-
             Châtonnaye Fr. Et le 30/11/1555, il vend justement un  ple sur un autre nom rare, Hotonnes dans l’Ain est
                                                                aussi la seule paroisse à ce jour avec des CROLET à
             terrain  de  Châtonnaye  à  un  certain  Georges  DE
             MIÉVILLE, fils d'un autre Georges décédé. Ce der-  surnoms,  et  c'était  déjà  dû  à  une  descendance  de
             nier était lui aussi bourgeois de Payerne, et en même  notaire à la troisième génération (6). Or sur la rive du
             temps notaire à Châtonnaye.                        lac de Neuchâtel, la taille de la colonie MIVILE est
                                                                tout à fait compatible avec une descendance sur 150
                                                                ans,  et  MIÉVILLE  se  transforme  justement  en
             Or  aucun  de  ces  deux  Georges  n'est  donzel,  et  la  MIVILLE lorsque l'on s'éloigne de Payerne.
             noblesse d'épée ne saurait exercer le métier de notai-
             re. Par contre, les notaires avaient souvent une activi-  Enfin  avec  un  nom  aussi  rare  et  en  permanence  au
             té publique parallèle, et certaines pouvaient effective-  bord de l'extinction, on a quand même 3 gardes suis-
             ment leur conférer une noblesse de robe. Mais comme
                                                                ses homonymes en seulement 40 ans, dont deux sont
             la fatuité est éternelle, peut-être avaient-ils eux aussi  parents, Pierre et Isaac, et le troisième Adam est né à
             cultivé l'ambiguïté de la préposition. Néanmoins, ce  Cheyres.
             notaire décédé et riche était forcément né avant 1500,
             et  1500-1550  est  justement  la  période  de  transition  Au  total,  le  plus  plausible  est  donc  que  Pierre
             entre surnoms et patronymes. Et donc même sans voir  MIVILLE dit le Suisse est né lui aussi à Cheyres vers
             le texte authentique, ce "de" de la transcription est a  1602, et qu'il descend de Georges MIÉVILLE père,
             priori une réminiscence de surnom.                 né lui-même vers 1500 dans une très vieille famille de

                                                                Corcelles près Payerne.
             Synthèse sur Pierre MIVILLE et les autres
                                                                Conclusion
             Longchaumois et St-Claude sont à ce jour les seules
             paroisses anciennes avec des MIVILLE à surnoms. Et  Cette étude ne prétend bien évidemment pas élucider
             donc cette prolifération initiale a permis à ce nom d'é-  définitivement l’origine de ce Pierre MIVILLE dit le
             viter l'habituelle extinction des noms rares par dilu-  Suisse, mais elle éclaire néanmoins d'un jour nouveau
             tion (26). Ainsi tous les MIVILLE de Mignovillard,  sa personnalité et ses activités en Nouvelle France, et
             Genève, Bâle et Strasbourg descendent de cet unique  notamment le rôle inaperçu mais sans doute central de
             Pernet de Longchaumois en 1301, et donc ceux de la  sa fonction de capitaine de milice. Elle clarifie égale-
             diaspora diffuse également.                        ment toutes les "inexactitudes" qui ont pu être écrites





                                                                                                          49GÉNÉALOGIE Franc-Comtoise n°161
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