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Qui était et d’où venait Pierre MIVILLE dit «Le Suisse» ?
Les MIVILLE des enclaves vaudoises retravailler sa thèse jusqu'à la dernière minute, et
Sur la figure 5, La Broye est une rivière qui sert régu- encore moins Google et Wikipedia, pour répondre
lièrement de frontière entre les deux cantons de instantanément à la moindre question, ni bien sûr
Fribourg et de Vaud, et elle relie Moudon au lac de Généabank, pour mieux connaître tous les patronymes
Morat. Au 17 siècle, Moudon est un chef-lieu de du cru.
e
baillage du canton de Vaud, les rives Sud et Ouest du
lac de Morat sont une enclave vaudoise, et il y a même De même, son jury de thèse avait encore moins les
là deux petites enclaves bernoises. Et donc entre les moyens de vérifier en détail tout ce que le jeune étu-
deux, cette vallée de La Broye est administrativement diant avait pu écrire. Or l'aval d'un jury de thèse est
une enclave vaudoise protestante dans le canton de toujours un très puissant moteur pour perpétuer toutes
Fribourg, tout comme il y a aussi en même temps les bévues collectives historiques (cf la Curie
deux petites enclaves fribourgeoises dans le canton de Romaine interdisant l'héliocentrisme de Galilée). En
Vaud. Toutefois, la largeur de toutes ces enclaves ne conséquence, le grand Aebischer avait fait très exac-
dépasse jamais 3 km, et localement, la querelle reli- tement le même contresens de traduction que le grand
gieuse devait quand même rester quelque peu théo- Rousset à Longchaumois.
rique.
Le contresens
Or c'est justement dans cette très étroite enclave que
se trouve un foyer tardif de MIVILLE (33), ou en tout À sa thèse, Aebischer était en effet un étudiant en phi-
cas des actes tardifs postérieurs à 1650 : MIVILAZ à lologie préparant une thèse en onomastique, et le syn-
Dompierre au Sud, et MIÉVILLE à Trey et à drome du spécialiste avait de nouveau frappé. Devant
Granges-près-Marnand au centre, et à Payerne au l'expression inconnue de "de media villa", il en a donc
Nord (Fig. 5). Naturellement, les dates de naissances déduit comme Rousset que c'était un toponyme
estimées à partir des âges de décès, ou les dates de Miéville, et qu'il devait signifier "entre deux locali-
naissance des parents et grands-parents seraient bien tés", alors qu'il s'agit là d'un très flagrant contresens
antérieures, mais en ces temps agités, rien ne nous dit de traduction.
que les événements correspondants ne seraient pas
ailleurs. Or le "wishful thinking" du généalogiste est Il en résulte que tous les toponymes Miéville préten-
bien aussi redoutable que le syndrome du spécialiste. dument attestés par Aebischer en 1320 et 1302 n'ont
Et comme hélas souvent, toutes les sources actuelles jamais existé, mais seulement un surnom "de media
(29,31,33) citent et récitent à l'infini la même source villa" dans un texte en latin.
de 1923 (8), mais sans jamais rien vérifier, et ponc-
tuellement, celle-ci n'est pas plus fiable que les précé- Par exemple pour celui de 1320 sur la commune de
dentes sources anciennes sur Longchaumois. Lentigny FR, celle-ci est effectivement très proche
des enclaves vaudoises (Fig. 5), mais avec le plus gros
zoom du géoportail suisse (34), on ne trouve aucun
Le grand contresens sur DE MIÉVILLE toponyme de ce type ni à Lentigny, ni aux alentours,
ni à Payerne VD, ni à Châtonnaye FR entre les deux.
L'auteur Paul Aebischer Et donc ce toponyme local n'a sans doute jamais exis-
té que dans l'imagination d'un linguiste obsédé d'ono-
Comme Rousset dans le Jura, Paul Aebischer (1897- mastique. Pourtant il y a bien un toponyme Miéville
1977) est un grand philologue suisse, mais à sa thèse en Suisse, mais il se trouve ailleurs, et pas avec ce
en 1923, il n'avait alors que 26 ans, et il était donc sens.
complètement débutant. Comme Rousset, ses outils
de travail étaient papier, crayon et manches de lustri- Les lieux Miéville
ne, plus gants de coton pour préserver les documents
originaux. À sa décharge par rapport à aujourd'hui, il Tous les cantons du Sud-Ouest de la Suisse se situent
n'avait donc pas de jpeg, pour lire et relire les textes à dans la même aire linguistique que St-Claude, à savoir
volonté, ni de pdf pour annoter facilement ses lectures le franco-provençal, aujourd'hui appelé arpitan (6). Et
et les relire rapidement, ni de traitement de texte pour donc la signification de bourg central y est forcément
47GÉNÉALOGIE Franc-Comtoise n°161