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ENQUÊ
                                       Qui était et d’où venait TE






                               Pierre MIVILLE dit "le Suisse" ?









             Introduction                                       Or une première erreur dans ce cas est que notre mot
                                                                "ville"  dérive  certes  du  latin  "villa",  mais  en  latin,
             Les questions en titre sont tout sauf anodines, car ce  ville se dit "urbs", comme urbain, et l'expression lati-
             Suisse-là est un Québécois célèbre.                ne de “media villa“ correspond donc plutôt à une villa
                                                                romaine, c’est-à-dire un simple groupe de fermes.
                    Le contexte Québécois


             Ce  Pierre  MIVILLE  dit  Le  Suisse  figure  en  effet
             parmi les dix immigrants ayant fourni au Québec le
             plus grand nombre de descendants actuels, ce qui en
             fait une figure nationale. Ainsi, une page personnelle
             lui  est  même  consacrée  dans  Wikipedia.  Or  le  site
             “Généalogie des Français d’Amérique du Nord“ (1)
             ne donne pour lui que des informations parfaitement
             référencées, et il indique ainsi qu’il est l’ancêtre de
             5 320 000 à 5 740 000 Québécois. Tous ne portent
             certes  pas  le  nom  de  MIVILLE  ou  de  MIVILLE
             DESCHÊNES, car nombreux sont ceux qui en des-
             cendent par des lignées cognatiques.               Figure 1 : Vue aérienne de Brouage (Charente maritime)

                                                                Certes tous nos Villeneuve d'aujourd'hui viennent eux
             L’Association  “Les  Descendants  de  Pierre  Miville“  aussi de "villa nova", et certains sont même devenus
             (2) indique aussi que “Pierre Miville, maître menui-  de grandes villes par la suite, mais par définition, et
             sier, est né vers 1602 dans le canton de Fribourg, en  surtout au Moyen-Âge au moment de l'attribution du
             Suisse,  mais  qu'il  habitait  à  Brouage,  en  France  nom, les nouveaux quartiers ne devaient quand même
             (Figure 1), avec sa femme Charlotte MAUGIS et ses  pas être bien gros.
             six enfants". En 1649, il passa en Nouvelle-France et
             reçut une terre dans la seigneurie de Lauzon en face  Or  justement,  un  exemple  de  patronyme  MIVILLE
             de Québec./…/ Pierre Miville tenta d'attirer d'autres  est présent dans le Haut-Jura à partir d'une citation de
             Suisses  au  Canada  et  obtint  à  La  Pocatière  une  1301 dans un tout petit village, et nous y reviendrons
             concession que l'on appela le Canton des Suisses fri-  abondamment (3). Et donc dans ces minuscules habi-
             bourgeois, mais l'entreprise échoua. Miville est mort  tats  de  campagne  ou  de  montagne  en  sortie  du
             en 1669 et il fut inhumé dans le premier cimetière de  Moyen-Âge, "de miville" voulait simplement dire "du
             Québec, côte de la Montagne.                       bourg", tout comme on trouve "du pont", "du pré" ou
                                                                "du val". Dès lors, miville est bien une référence à un
                    Le patronyme MIVILLE                        lieu de vie, mais ce n'est en aucun cas un toponyme.


             L’étymologie de ce patronyme pourrait sembler lim-  D'où  une  deuxième  erreur  que  l'on  rencontre  dans
             pide  en  apparence.  Dans  plusieurs  dictionnaires  de  toute la littérature sur les MIVILLE de Fribourg. Très
             noms, mais que nous ne citerons pas par charité, de  curieusement,  il  s'agit  là  d'une  grossière  erreur  de
             distingués  linguistes  interprètent  ainsi  mi-ville  en  grammaire latine, et elle a pourtant été faite au départ
             "centre-ville", c’est-à-dire milieu de la ville.   par  un  futur  professeur  de  philologie  de  Lausanne.





                                               GÉNÉALOGIE Franc-Comtoise n°161                            35
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